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Comment récolter les irritants d'un maximum d’utilisateurs en très peu de temps ?

La majorité des Startups d’État évolue dans un environnement bureaucratique très vertical où il existe des codes culturels qui peuvent sembler bloquants pour l’avancée du produit. Par exemple, récolter les irritants de ses futurs utilisateurs sans demander l’autorisation aux voies hiérarchiques à plusieurs niveaux peut paraître insurmontable. Voici le témoignage de Léry JICQUEL, intrapreneur de la Startup d’État e-contrôle.

Une Start-up d’Etat (SE) a toujours une première période d’essai de 6 mois durant laquelle elle doit impérativement obtenir des résultats. Si elle n’a aucun usager ou utilisateur satisfait durant cette période, la SE s’arrête. Pas besoin de perdre plus de temps, d’énergie et d’argents pour « une solution qui ne trouve pas ses clients » ! La phase d’investigation est la première étape qui dure entre un et deux mois. Elle vise à récolter les problèmes rencontrés par les utilisateurs du périmètre de la SE. Concernant e-contrôle, ses utilisateurs sont les contrôleurs de la Cour des comptes et les agents des organismes contrôlés chargés de transmettre les réponses aux questionnaires de contrôle. Au lancement de la Startup d’Etat, nos craintes de blocage ou de ralentissement au sein de la Cour des comptes en raison du mode de fonctionnement de l’administration étaient surestimées. Je vous explique pourquoi et comment l’équipe d’e-contrôle s’y est pris pour que cela n’arrive pas.

La crainte d’être ralenti

Le secteur public est parfois caractérisé par un environnement administratif pyramidal et vertical. Cela peut être le cas à la Cour des comptes où la culture du secret de l’instruction imprègne toute l’administration. Le risque de perdre beaucoup de temps en autorisations et validations avant d’agir existe. Pouvoir nous entretenir avec plusieurs agents d’un service, d’une direction ou obtenir les autorisations internes pour contacter telle ou telle administration ou collectivité contrôlée aurait pu se transformer en véritable labyrinthe. Nous n’avions que 6 mois pour identifier un problème, estimer son impact, dessiner une solution avec des utilisateurs, concevoir le prototype avec un développeur, le faire tester, développer les premières briques de l’application, les faire expérimenter et évaluer les résultats, puis recommencer !

Pour avancer rapidement, nous ne pouvions pas nous résoudre à suivre la voie classique des demandes aux différentes instances et autorités hiérarchiques. Étant moi-même habitué au mode de fonctionnement de la Cour des comptes et de l’administration en général, j’aurai naturellement eu tendance à demander la permission avant de contacter des utilisateurs. Consciente de ces freins, la DINSIC met à disposition un coach dont la mission est d’accompagner l’intrapreneur dans la méthode Startup d’État. Elle consiste notamment à l’aider à éviter de tomber dans ce type de biais cognitifs.

Mieux vaut s’excuser…

Avec l’aide de Julien Dauphant, coach en méthode Startup d’État, et de Mohammed Adnène Trojette, notre sponsor et secrétaire général adjoint de la Cour des comptes, nous avons appliqué l’un des principes de base de toute SE : « Parfois, quand on est de bonne foi, il vaut mieux s’excuser que demander la permission » (de manière raisonnable mais de manière pragmatique aussi !). Nous avons donc contacté directement un certain nombre d’agents de la Cour des comptes qui, dans 8 cas sur 10, ont accepté sans difficulté nos demandes d’entretien avec l’aval préalable (à leur initiative), ou non, de leur responsable hiérarchique. Dans d’autres cas, après avoir contacté directement certains agents, nous avons reçu « un rappel à l’ordre » (toujours courtois) de leur N+1, N+2 ou N+3, nous rappelant qu’il est d’usage de passer par la voie hiérarchique. Le cas échéant, nous avons évidemment régularisé ! Au final, nous n’avons jamais été bloqués, les agents nous ont toujours reçus avec bienveillance, les managers ont souvent été des facilitateurs et nous nous sommes toujours excusés lorsque notre mode de fonctionnement très horizontal avait pu « étonner » ou « choquer » quelques-uns.

S’appuyer sur les communautés

Concernant les organismes contrôlés, nous avons sollicité les différents réseaux et communautés professionnels qui nous entouraient pour lancer un appel à manifestation d’intérêts :

La Startup d’État de la Cour des comptes recherche des agents ayant répondu à des questionnaires de la Cour des comptes pour recueillir leur retour d’expérience.

D’anciens collègues, la communauté de l’incubateur de la DINSIC (200 personnes), la communauté Data&Dev de la Cour des comptes (125 personnes) et quelques agents rencontrés au sein de la Cour nous ont fait remonter les coordonnées de secrétaires généraux, de comptables publiques, de chargés de mission et de directeurs de diverses administrations ayant été contrôlées. À chaque fois, nous avons contacté ces agents en leur expliquant qu’il ne s’agissait pas d’un nouveau contrôle et que nos échanges ne porteraient pas sur le fond des contrôles passés ou présents mais seulement sur la forme et les modalités d’échange de documents. Quasiment toutes ces administrations ont accepté de nous recevoir ou d’échanger par téléphone pour celles qui n’étaient pas en Île-de-France. Leurs profils variés nous ont permis de cerner les irritants les plus impactant pour cette population cible d’utilisateurs.

Les facteurs clés à réunir

À nouveau, nos craintes de blocage ou de ralentissement au sein de la Cour des comptes en raison du mode de fonctionnement de l’administration étaient surestimées. Un positionnement hiérarchique près du secrétaire général adjoint de la Cour, une approche directe bienveillante et accepter de s’excuser et d’expliquer la démarche auprès des plus réticents ont certainement permis de passer cette première phase d’investigation sans embûche !

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