Six mois après le lancement officiel de demarches-simplifiees.fr en mars 2018, nous avons aujourd’hui plus de 50000 dossiers déposés par des usagers sur notre plateforme. Conséquence de cette forte croissance, nous recevons chaque jour plus d’une quarantaine de mails et d’appels d’administrations souhaitant utiliser notre outil pour dématérialiser des procédures, mais aussi d’usagers réalisant une démarche sur notre site. Nous avons profité des 3 mois d’été pour améliorer cette dimension “support” de notre produit, nous partageons ici nos apprentissages.
Chaque mail ou appel qui arrive au support peut être vu comme un retour utilisateur en lui-même. Au delà du simple fait de répondre à la question de l’usager, nous avons tenté d’adopter une posture proactive sur le support. Si l’usager n’a pas trouvé l’information, s’il s’est perdu sur le site, s’il n’a pas cliqué au bon endroit, c’est qu’il y a très probablement un problème quelque part en amont, qu’il faut identifier et résoudre. Faire du support implique donc non seulement de répondre aux questions des usagers, mais aussi d’investiguer pour comprendre les causes des problèmes rencontrés, puis de mettre en place des solutions pour éviter qu’ils ne se reproduisent.
La transformation de retours utilisateurs issus du support en améliorations concrètes du produit n’est pas automatique. La question de la répartition du support dans l’équipe peut être déterminante dans ce processus. A demarches-simplifiees nous fonctionnons aujourd’hui sur un support tournant, où presque toute l’équipe prend en charge à tour de rôle le support. Si cela permet de maintenir une connexion de l’équipe avec les utilisateurs du produit, nous avons cependant constaté que cela dispersait la douleur des usagers, pour au final la diluer. La concentration de la douleur des usagers sur une seule personne de l’équipe peut au contraire permettre de garder à l’esprit l’importance des irritants subis par les usagers et d’effectuer un suivi sur le long terme. Investiguer sur les causes d’un problème rencontré par les usagers, concevoir une solution, débattre en équipe de sa pertinence, coder l’amélioration, reviewer les modifications… tout cela prend du temps et peut nécessiter qu’un membre de l’équipe prenne la responsabilité du sujet.
Si une partie des questions des utilisateurs peuvent donner lieu à des améliorations directes du produit, nous recevons aussi de nombreuses sollicitations qui dépassent notre périmètre d’action. Par une étude statistique, nous avons constaté qu’un quart des questions arrivant sur notre support ne nous concernait pas. Ce sont souvent des questions d’usagers perdus dans leurs démarches et qui ont besoin d’être orientés. Cette situation s’explique à la fois par le manque de lisibilité de l’administration pour les usagers et par la fermeture des guichets. Le cas du permis de conduire est emblématique. Pour leurs démarches, les usagers doivent s’adresser selon leur cas à leur auto-école, à l’Agence Nationale des Titres Sécurisé, aux Bureaux Éducations Routières rattachés selon les départements à des administrations différentes, ou aux bureaux des préfectures en charge des sanctions. A cette multiplicité d’acteurs, il faut ajouter le fait que les préfectures ont peu à peu fermé leur accueil physique aux usagers, ceux-ci doivent désormais prendre rendez-vous en ligne. Résultat : nous recevons chaque semaine une quarantaine de mails d’usagers perdus dans leur démarche pour leur permis de conduire, auxquels nous peinons à répondre. Peu à peu nous avons amélioré notre connaissance du fonctionnement du permis de conduire, nous permettant ainsi de répondre à la plupart des usagers. Nous avons cependant conscience que nous ne pourrons pas maintenir cette posture sur le long terme. La question de l’orientation des usagers dans l’océan de l’administration reste ouverte.
Lorsque nous recevons les usagers au téléphone, nous nous rendons parfois compte que nos interlocuteurs maîtrisent peu le français, ont des difficultés pour manier leur souris ou pour ouvrir leur navigateur. Il nous arrive alors de passer 45 minutes au téléphone avec eux pour les accompagner clic après clic dans la réalisation de leur démarche. Cette situation peut paraître anecdotique, mais elle nous rappelle que l’illettrisme numérique concerne aujourd’hui 13 millions de personnes en France. Devant ce constat, nous avons identifié plusieurs pistes de solutions que nous partageons ici : avoir un site responsive pour tous les utilisateurs réalisant leur démarche sur téléphone, permettre à une tierce personne de faire la démarche “à la place de”, nouer des partenariats avec des associations telles que Emmaus Connect ou WeTechCare, identifier un réseau d’aidants numériques sur le territoire vers lesquels nous pourrions orienter ces usagers.
Pour répondre au mieux et au plus vite à chacune des questions de nos usagers, nous utilisons deux outils au quotidien, qui pourront éventuellement être utiles à d’autres startups ayant un gros volume de support :
Pour les questions qui ne nous concernent pas, nous avons constaté que le fait de faire suivre la demande de l’usager peut parfois lui faire gagner plusieurs mois. Au lieu de répondre “vous vous adressez malheureusement au mauvais interlocuteur, contactez la DREAL de la région PACA”, transférer directement le mail de l’usager au bon interlocuteur (lorsqu’il est connu) permet parfois d’éviter à l’usager de passer par le standard de la DREAL PACA, puis d’essayer tant bien que mal de remonter au bon interlocuteur du bon service, de la bonne administration.
Comme nous sommes plusieurs à faire le support, nous avons pris l’habitude d’ajouter des tags à chaque mail pour identifier les problèmes récurrents et leur source. Ils permettent également d’évaluer l’impact et la pertinence des correctifs que nous apportons lorsque nous essayons d’optimiser le support.
Parfois nous apportons une solution à l’usager par téléphone, puis nous nous rendons compte au fur et à mesure de la conversation que le problème était ailleurs. Pour éviter cela, il peut être utile de consacrer une minute en début de conversion pour identifier précisément le problème.Cela peut passer par une reformulation de ce type : “si j’ai bien compris votre problème, vous avez fait telle manipulation, puis vous avez rencontré telle difficulté, est ce bien cela ?”
Lorsque nous sommes confrontés à des volumes importants de questions, les réponses par mails peuvent s’imposer pour gagner du temps. Rappeler l’usager par téléphone peut cependant être utile dans certains cas, nous proposons ici 2 éléments pour identifier les situations dans lesquelles cela peut être pertinent :
Pour demarches-simplifiees.fr, cette analyse sur le support nous a permis de soulever un certain nombre de questions importantes pour le futur à moyen terme de notre produit. Si l’un des leitmotiv de beta.gouv.fr est de “considérer les besoins des usagers avant ceux de l’administration”, le support est bien l’un des moyens pour se confronter au terrain.