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Comment j’ai mis fin à ma Start-up d’État en 3 semaines

Je suis rédacteur pour le site service-public.fr depuis quelques années, en particulier sur la partie traitant des cartes grises. J’ai eu l’occasion de participer à un challenge “intrapreneur” en septembre 2017, organisé par ma direction, la Dila, en partenariat avec l’incubateur des startups d’État (beta.gouv.fr, ouvert au personnel de cette organisation.

L’objet de ce concours interne était de réfléchir à une solution numérique qui répondrait à un problème irritant pour un usager. Les lauréats devaient être détachés pendant 6 mois auprès de l’incubateur pour mettre en place la startup d’État chargée de cette solution numérique. Au départ, j’ai envisagé la possibilité de réaliser, sur son smartphone, une démarche de carte grise (par exemple, le changement d’adresse) et de prêter les papiers du véhicule à la personne de son choix grâce à son téléphone.

Ayant été lauréat de ce challenge, j’ai rejoint l’incubateur beta.gouv.fr. Très vite, en travaillant mon projet de départ, j’ai compris qu’il fallait envisager d’autres directions que celle envisagée au départ :

  • Obtenir ses papiers avec son smartphone : la plupart des démarches sont faites par téléservice, l’intérêt de le faire par smartphone est donc limité, risque de doublonner le service.
  • Prêter les papiers du véhicule par son smartphone : la réglementation impose de disposer de l’original.
  • Utiliser une carte grise électronique dans le cas de l’auto-partage ou la location entre particuliers : une photocopie suffit, l’intérêt d’une appli pour une simple photo est donc limité.
  • Utiliser la carte grise électronique pour la location longue durée : cas identique à la location, une photocopie suffit…

Une idée de service mieux définie s’est finalement dessinée :

Le problème : L’usager qui circule avec son véhicule peut se retrouver dans un état de stress face à un contrôle routier car il craint de ne pas avoir ses papiers sur lui, et risque, de ce fait, une amende.

La promesse : son smartphone suffit pour justifier qu’il a le droit de conduire le véhicule. La solution de service fonctionne en 2 temps :

  • L’usager se connecte sur son smartphone, à une application sécurisée par FranceConnect. L’application génère un flashcode que le conducteur présente à l’agent réalisant le contrôle.
  • L’agent flashe ce code et accède ainsi aux données du conducteur (son permis et les points dont il dispose, les informations sur sa carte grise, l’assurance du véhicule, la vignette Crit’air…).

Le contrôle est ainsi plus rapide et le conducteur n’a pas besoin d’avoir ces pièces officielles sur lui. De plus, les données restent protégées car elles ne sont pas directement présentes sur le téléphone.

Lors de l’approfondissement de ce concept, j’ai obtenu un entretien avec un gendarme responsable des contrôles routiers en Isère. Il m’a signalé qu’un nouvel outil était en phase de déploiement. Cet outil, une tablette sécurisée, permet, lors d’un contrôle routier, d’obtenir toutes les informations sur le conducteur en scannant la bande MRZ de la carte d’identité (bande située en bas de la CNI) et toutes celles concernant le véhicule en entrant l’immatriculation ou en flashant la vignette Crit’air. L’usager n’aura bientôt plus besoin de disposer de son permis ou de sa carte grise au moment du contrôle et ne sera pas sanctionné s’il ne les a pas. Chaque agent disposera prochainement d’un smartphone reprenant les fonctionnalités de cette tablette. La conclusion de cet échange est que le service que je pensais développer n’a donc plus d’intérêt puisqu’il ne sera plus nécessaire d’avoir sur soi ces documents.

Un bilan s’impose donc à cet instant.

Ce que j’ai acquis de cette expérience auprès de l’incubateur de beta.gouv.fr :

  • La présentation du pitch, qui consiste à présenter le service de façon très concise (entre 1 et 3 minutes). Débuter en identifiant un irritant (élément qui pose un problème à l’usager), promettre une amélioration au problème rencontré et le résoudre au travers d’une solution numérique. Cette technique est très utile lors des contacts avec des partenaires et/ou des utilisateurs pour les impliquer dans le service.
  • Le travail collaboratif en petite équipe, puisque, dans cette phase, j’étais uniquement épaulé par un coach. Cela m’a appris à travailler en autonomie, en déterminant les objectifs et les moyens pour les atteindre en vérifiant systématiquement l’impact sur les usagers.
  • La vérification des solutions existantes, avant de se lancer, car il existe peut-être des solutions plus simples ou plus économes.
  • Le fonctionnement en mode agile, pour changer de direction dès qu’on constate qu’une trajectoire est une voie sans issue. Cela permet de s’adapter très vite et de réorienter les actions en fonction de nouvelles contraintes, et donc d’être réactif.
  • La technique des petits pas, qui consiste à s’autoriser une solution imparfaite pour débuter une expérimentation et l’améliorer petit à petit.

Les aspects négatifs de cette expérience (bilan oblige) sont surtout liés à la frustration que j’ai pu ressentir d’avoir échoué à mettre en place une startup. Mais l’objet n’était pas de créer une startup, il était d’apporter une solution numérique à un problème. Il faut donc mettre de côté les aspects affectifs et se concentrer sur les aspects positifs de cette expérience.

Le développement de ce nouveau service n’avait donc plus vraiment d’intérêt et la sagesse m’imposait d’y mettre fin, avec la satisfaction d’avoir abouti rapidement à cette conclusion et sans qu’elle ait nécessité d’y investir des fonds et des moyens humains exorbitants.

Comme je souhaitais continuer à participer à l’amélioration du service public, auquel je suis si attaché (je n’oublie pas que je viens de www.service-public.fr ) et réinvestir les acquis de cette expérience, j’ai rejoint l’équipe de l’autre startup de la Dila, « A+, le Service Public VIP pour tous  » pour vivre de nouvelles aventures numériques !

Nota : cette expérimentation s’est déroulée du 2 au 20 octobre 2017.

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