Depuis un an, j’ai été missionnée par la Direction interministérielle du numérique (DINUM) pour travailler sur le sujet épineux de l’avenir des produits conçus selon l’approche Startups d’État. Comment permettre à ces services créés dans des cellules d’innovation publique (les incubateurs) de devenir des services publics à part entière opérés au sein de leur administration publique ?
Cette année d’apprentissage est l’occasion de revenir, à travers l’exemple du transfert de transport.data.gouv.fr au Ministère chargé des Transports, sur les facteurs qui ont conduit à la réussite de cette opération délicate. J’espère que cet article pourra aider les administrations publiques qui soutiennent des produits conçus selon l’approche Startup d’État à préparer leur devenir.
La phase de transfert, dernière phase de la conception de services numériques dans le programme beta.gouv.fr (voir illustration ci-dessous), est une étape délicate. Elle consiste à confier un service construit et opéré dans un environnement habitué aux pratiques du numérique à une administration publique qui fonctionne très différemment. Or, il est important que ces transferts soient réussis pour que les services créés dans le réseau d’incubateurs beta.gouv.fr veillent à apporter durablement de l’impact aux Françaises et aux Français, mais aussi pour que l’opération bénéficie au maximum à l’administration qui accueille le produit, qui pourra en tirer de nombreux apprentissages pour accélérer sa transformation numérique.
Les phases de transfert s’apparentent à une greffe de cœur. Le cœur fonctionne avec ses propres circuits et est alimenté et connecté à un système externe, le corps. Une greffe de cœur consiste à prendre cet organisme vivant et à le connecter avec un nouvel organisme avec de nouveaux vaisseaux, veines, etc. Beaucoup de paramètres doivent donc s’ajuster pour qu’une transplantation soit réussie.
Lorsque l’on transfère un service conçu selon l’approche Startup d’État, une équipe dotée d’une organisation, de méthodes, de valeurs et d’une dynamique qui lui sont propres doit s’intégrer à l’écosystème de l’administration classique, qui elle est organisée selon les principes de la bureaucratie. Sans surprise, ces différences peuvent être risquées pour garantir le maintien dans le temps de la qualité du service numérique ; sans préparation, les probabilités d’échec du transfert sont élevées.
Alors, quels sont les facteurs de succès d’un transfert de produits conçus selon l’approche Startups d’État ?
Dans le cadre de ma mission, j’ai eu l’occasion d’accompagner le transfert du service transport.data.gouv.fr de l’incubateur de la DINUM vers le ministère chargé des Transports. Dans cet article, vous découvrirez quelques apprentissages que j’ai pu tirer de cette expérience, qui vous permettront, je l’espère, de mieux préparer le transfert de votre produit numérique.
Impliquer toute la chaîne hiérarchique du repreneur dans la phase de transfert
Le mode de fonctionnement des services conçus selon l’approche Startup d’État est parfois assez inhabituel pour les administrations. Ces dernières sont familières de la planification (rédaction de cahiers des charges) sont habituées à ce que les décisions soient prises en haut de la chaîne hiérarchique. Au contraire, pour les services numériques conçus selon l’approche Startup d’État, c’est l’équipe opérationnelle qui prend régulièrement des décisions sur les fonctionnalités de leur produit pour mieux s’adapter aux besoins des utilisateurs au fil de leurs retours. Ce renversement qui consiste à donner de la flexibilité et de la confiance aux agents qui sont les plus proches de la réalité terrain et des utilisateurs bouscule les modèles mentaux auxquels les administrations traditionnelles sont habituées et nécessite l’adhésion de l’ensemble de la chaîne hiérarchique, d’autant qu’afin de pouvoir profiter de la valeur de la Startup d’État, le service doit être intégré le mieux possible au sein de l’administration d’accueil.
>> Les facteurs de succès pour transport.data.gouv.fr :
Etudier les pours et les contres de tous les différents scénarios d’accueil possible
Après la phase d’accélération de la Startup d’État, il est parfois possible d’envisager plusieurs repreneurs. Il est important d’identifier et étudier les différentes structures d’accueil dans lesquelles la solution numérique pourrait évoluer. Le choix du scénario d’atterrissage du cas transport.data.gouv.fr a d’ailleurs été largement expliqué dans mon billet de blog précédent.
>> Les facteurs de succès pour transport.data.gouv.fr :
Prendre le temps d’organiser une période de biseau entre l’ancienne et la nouvelle équipe du produit numérique
L’équipe de la Startup d’État, constituée d’agents publics mais aussi d’experts du numérique du secteur privé, acquiert pendant la période d’incubation une connaissance à la fois stratégique et opérationnelle très riche. Ses membres sont souvent devenus des spécialistes de la politique publique menée par la plateforme, détiennent une expertise technique sur les choix fonctionnels du produit numérique, et connaissent les utilisateurs et utilisatrices du service sur le bout des doigts pour avoir échangé très régulièrement avec eux. Et souvent, les équipes sont accompagnées par des ex-entrepreneurs du numérique (que nous appelons les coachs), qui les aident à structurer une vision stratégique à long-terme. Il serait dommage de perdre toutes ces connaissances acquises pendant l’incubation du service lors de la phase de transfert.
Au début de la phase de transfert, il est donc primordial de réunir toutes les parties prenantes (dont les équipes opérationnelles historiques) pour que repreneurs et “anciens” puissent se rencontrer. L’objectif de cette rencontre est de rappeler la raison d’être du service, définir ses ambitions à long-terme, les attentes des uns envers les autres et les possibles freins ou difficultés à surmonter par la nouvelle équipe. Le succès de ce type d’atelier repose sur le fait de construire un espace sécurisé pour que tout le monde puisse s’exprimer en confiance.
Le transfert d’une Startup d’État est aussi l’occasion unique de permettre la montée en compétences des agents de son ministère à la fois sur des sujets techniques (le numérique, la gestion de produit, les données et les API), des sujets stratégiques (mener une politique de régulation par la donnée, les stratégies de plateforme, etc) ou des sujets organisationnels (rituels d’équipes, pratiques managériales.)
>> Les facteurs de succès pour transport.data.gouv.fr :
Informer les utilisateurs du service et célébrer sa reprise une fois la phase de transfert achevée
Comme dans le privé les nouvelles vont vite… le transfert aura un impact sur le service et donc un impact sur ses bénéficiaires. Il peut être utile de communiquer auprès des utilisateurs pour l’informer des changements. C’est aussi l’occasion d’en profiter pour célébrer les succès du service !
>> Les facteurs de succès pour transport.data.gouv.fr :
Suivre dans le temps les indicateurs d’impact du service
Chez beta.gouv.fr, nous aimons dire que nous sommes obsédés par l’impact de nos produits numériques. Ce que nous essayons de faire lors de la phase de transfert, c’est d’insuffler cette obsession aux administrations qui récupèrent des produits créés chez nous.
>> Les facteurs de succès pour transport.data.gouv.fr :
Par Maritza Abreo, coach chez beta.gouv.fr