Comment définiriez-vous l’approche beta.gouv, avec vos mots ?
C’est une approche qui me parle beaucoup : être orienté impact, vouloir résoudre un problème et, sur le chemin de la résolution de ce problème, découvrir des éléments nouveaux qui peuvent confirmer ou infirmer nos intuitions.
Avez-vous un exemple de la manière dont la DGALN s’est appropriée cette approche ?
Le service DossierFacile est un bon exemple d’application de ces principes. L’équipe à l’origine du service s’est sentie libre de “challenger” la commande avancée par le cabinet du ministre. Plutôt que de s’engager sur des sujets très normatifs tels que le système de garantie, l’équipe de DossierFacile a privilégié une solution simple et efficace : un dossier de location numérique labellisé. Cela a permis la création d’un service numérique qui rend vraiment service aux citoyens tout en répondant à un véritable enjeu de politique publique : fluidifier l’accès au logement en renforçant la confiance entre locataire et propriétaire.
Je pourrais également citer EnvErgo qui vise à renforcer l’application de la loi sur l’eau dans le cadre de projets d’aménagement. Cette loi encadre tous les projets qui risquent d’impacter l’eau et les milieux aquatiques. Alors qu’initialement on partait sur une logique de simplification et de dématérialisation de la norme, on s’est rendu compte en chemin qu’il valait mieux se concentrer sur les personnes concernées, à savoir les porteurs de projets. Cet effort d’adaptation a par exemple abouti à la création d’une estimation personnalisée de la probabilité d’être soumis à la loi sur l’eau pour chaque projet.
En matière de management de votre direction générale, qu’avez-vous appris en travaillant avec beta.gouv ?
Je suis très inspirée par l’organisation mise en place avec nos Startups d’État, et nous commençons déjà à transformer certaines de nos pratiques, même en dehors de la sphère du numérique. Ce qui me semble essentiel, c’est que l’idée puisse venir de ceux et celles qui font, en l’occurrence, chez nous, du collaborateur qui éprouve et identifie dans son quotidien un problème à résoudre. C’est d’ailleurs comme ça qu’est né le service Aides-territoires, fondé par Élise Marion, agent à la DGALN. Je pense qu’il est capital que les 600 collaborateurs et collaboratrices de la DGALN se sentent légitimes pour s’emparer de projets de ce type et se sentent en sécurité pour prendre des risques. Mon rôle de directrice générale consiste aussi à libérer les énergies, et surtout à faire confiance pour créer le terreau qui permettra à chacune et à chacun de donner le meilleur et d’avoir le meilleur impact.
Ce mode de travail constitue un puissant moteur de sens pour nos collaborateurs et collaboratrices. Cette possibilité qu’on leur offre de résoudre des problèmes concrets et de se rendre compte de leur impact au quotidien leur rappelle pourquoi ils et elles se lèvent chaque matin.
Beta.gouv a été conçu pour accélérer la transformation numérique de l’Etat. À la DGALN, vous menez une autre transition qui implique aussi une nouvelle manière d’administrer : la transition écologique. Pensez-vous que l’approche beta.gouv.fr et la culture portée par beta.gouv.fr peuvent aider l’administration à la mener ?
Comme toute transition, la transition écologique s’inscrit dans des systèmes “vivants” qui impliquent une approche systémique des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Cette approche systémique nécessite un travail de co-construction rassemblant un maximum de parties prenantes. La recherche continue de l’impact et l’analyse rigoureuse des retours exprimés par les acteurs du terrain sont des éléments constitutifs de l’approche beta.gouv qui s’appliquent totalement aux enjeux de transition écologique.
Quant au lien entre transition numérique et transition écologique, il est évident qu’il faudra faire attention à ce que la transition numérique n’entraîne pas plus de dégâts environnementaux qu’elle n’en corrige !
En tant que DG d’une administration centrale, recommanderiez-vous à un ou une de vos homologues, par exemple dans d’autres ministères, de se lancer avec le programme beta.gouv ? Si oui, quel serait votre message ?
Bien sûr je le recommanderais et je le recommande déjà ; entre collègues on partage souvent nos bonnes pratiques. Mon conseil : dans ce processus de transformation, il est important que chacun aille à son rythme. Malgré les différences qu’amène le programme beta.gouv par rapport à la culture administrative, je considère sincèrement que l’approche Startup d’État, loin de contrevenir à l’esprit du service public, constitue un outil supplémentaire pour mieux réaliser nos missions et améliorer la mise en oeuvre de nos politiques publiques.