Emmanuel est l’intrapreneur de la Startup d’État Trackdéchets au sein de la Fabrique numérique du ministère de la Transition écologique. Initialement agent de la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) de la Région Nouvelle Aquitaine, il porte depuis plus de 3 ans une solution utile à la politique publique de gestion des déchets dangereux, qui est à présent en cours de généralisation à toute la France. Nous avons demandé à Emmanuel de nous raconter son expérience en tant qu’intrapreneur.
Chaque année en France, de nombreuses organisations produisent des déchets dits “dangereux”.
Les déchets dangereux sont des déchets qui sont susceptibles de générer un risque pour l’environnement ; par exemple les déchets CMR (cancérigène, mutagène, reprotoxique) dans les eaux de surfaces peuvent avoir un impact sur la faune, flore, et la santé humaine.
La réglementation impose une traçabilité de ces déchets et le producteur est responsable de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale. Cette traçabilité se faisait depuis 2005 au travers de bordereaux papiers, qui doivent être signés par les différents acteurs du parcours du déchets. Trackdéchets dématérialise depuis le 01 janvier 2022 cette procédure de façon à réduire la gestion chronophage des bordereaux papier.
Trackdéchets a commencé à co-construire sa solution avec les fédérations et partenaires dès octobre 2018. En 2019, nous commencions à coder. En même temps que nous codions, le ministère a écrit le décret alimenté par les enseignements de notre travail aux côtés des entreprises, paru en mars 2021.
Les entreprises redoutaient, à juste titre, la double gestion sur une période trop longue des bordereaux papiers et des bordereaux dématérialisés. Pour pouvoir faire un bordereau dématérialisé, il faut que toute la chaîne dispose d’un compte. Si un exutoire n’a pas dématérialisé la procédure, il impacte toute la chaîne en amont, qui ne pourra pas finaliser le bordereau dématérialisé et restera sur des versions papiers.
Au démarrage, les entreprises ont eu des difficultés pour mettre en œuvre la dématérialisation pour différentes raisons : outil métier trop ancien, travaux non budgétisés, attente de la réglementation,, etc.
Aujourd’hui, plus de 60 300 établissements ont un compte sur Trackdéchets. Ce chiffre progresse chaque jour et montre que les professionnels du déchet dangereux s’emparent de l’outil. Les connexions API s’opèrent également, nous enregistrons 294 requêtes/minutes (au moment de rédiger 😊 ).
Nous co-construisons le produit en fonction des retours utilisateurs, des visites terrain, des ateliers avec tous les types d’utilisateurs du produit.
La compétence métier est un atout indispensable pour comprendre les attentes terrains, les écueils. Les visites sont appréciées ; l’administration vient voir et comprendre leur fonctionnement et usages et pour voir ce qui peut être adapté.
La méthode lean startup (produit) qui permet de faire évoluer le produit au fil des retours, est à la fois un atout et un inconvénient : les entreprises souhaitent une stabilité pour travailler l’interconnexion en une seule fois, mais ce sont souvent les mêmes qui nous sollicitent pour ajouter de nouvelles fonctionnalités ! Dans un monde en perpétuelle transition, il est primordial pour ces entreprises, comme pour l’administration, de pouvoir adapter les outils numériques de travail en continu, et les entreprises et l’administration l’ont compris.
Dans Trackdéchets, il n’est pas possible de choisir une installation de tri, transit, regroupement, ou traitement de déchets qui ne serait pas autorisée au titre de la réglementation des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement.
Les entreprises dont le compte n’a pas été validé (car elles ne disposaient pas de cette autorisation), ne peuvent donc plus collecter ou traiter des déchets. Beaucoup de ces entreprises sont revenues vers nous, surprises de ne pas pouvoir signer le bordereau avec la plateforme, alors qu’elles le signaient au format papier… C’est une satisfaction de pouvoir éviter des dérives réglementaires, et ce, sans action de police.
Le plan de relance nous a permis de recruter un data ingénieur dont la mission est d’utiliser au mieux les données collectées pour mettre en place des données statistiques “grand public”. Ces données en temps réel, pourront utilement être utilisées pour s’assurer que la valorisation prend le pas sur la destruction sur certains déchets, connaître les parcours des déchets, etc.
J’ai déjà eu des expériences de management sur des postes antérieurs, et sur des métiers que je maîtrisais. Sur le poste de chef de produit numérique, j’avais tout à apprendre. Quel challenge !
La coach produit (ndlr profil type “entrepreneur dans le numérique”) a été présente, dès le départ, pour mettre en articulation le projet et les méthodes. Il faut se nourrir de ce qu’elle met en œuvre, de son accompagnement.
Il y a aujourd’hui une complémentarité entre chaque membre de l’équipe. Chacun a sa façon de travailler. Et toute cette équipe est impliquée. C’est très motivant. Nous sommes aujourd’hui 13 à composer l’équipe TrackDéchets. Cela implique une organisation de travail propre à l’équipe. Il faut aussi accepter et adapter le changement d’organisation quand l’équipe grandit.
Il est nécessaire de fixer les priorités, et de les revoir régulièrement et ce, en écoutant aussi les conseils et préconisations de chacun. Pour cela, il faut des moments de rencontres en distanciel et en présentiel et des échanges autour d’ateliers thématiques, mais également des moments de détente et de convivialité. Et j’essaie, dans la mesure du possible, de faire un point régulier avec chacun…
L’équipe est composée aujourd’hui de Maxime (Coach), Orion, Laurent, Benoit, Gabin, Elias (développeurs), Judith, Fanny (chargées de déploiement), Raphaël (design UX - expérience utilisateur), Colin (ingénieur data) et Christian et Danaé (support). Sans oublier Claire (Coach produit) et Julieta (chargée de déploiement) qui ne sont plus dans l’équipe aujourd’hui mais ont apporté beaucoup !