Lors d’un projet « commando numérique » à la Fabrique numérique du Ministère des armées, nous avons eu l’occasion de nous poser plus de questions que d’habitude sur la portée de notre travail.
Les projets « commando numérique » correspondent à deux mois de recherche utilisateur sur un sujet apporté par un·e intrapreneur·e du ministère. Grâce à une méthodologie préétablie, souvent une rencontre avec un public ciblé, la problématique du projet et son cadrage sont redéfinis et affinés. Ces deux mois permettent aussi de statuer sur les modalités de la poursuite du projet : quelle pourrait être la solution à construire, de quelle manière, etc.
Le projet ne s’annonçait pas facile : un objectif flou, peu concret, et pas de besoins clairement exprimés par l’intrapreneure. Le sujet était d’étudier d’un côté les démarches d’orientation professionnelle pour un public ciblé correspondant à une tranche d’âge allant de 14 à 26 ans, et de l’autre les moyens de s’informer (sites internet, réseaux sociaux, etc.) que cette tranche d’âge utilise. L’objectif final de la part du ministère des armées étant un potentiel recrutement en tant que militaire ou civil, selon un horizon de temps non défini.
Au vu de la vaste tranche d’âge de la cible ainsi que de la complexité du thème à étudier, il semblait légitime de se demander ce qu’allait pouvoir apporter deux mois de recherche utilisateur orientée design de service !
Cependant, le projet n’était pas tout neuf, et la cible avait déjà été interrogée sur le sujet, apportant un premier jet d’informations sur lesquelles il était possible de s’appuyer. De plus, le sujet est une préoccupation importante pour les armées et le ministère, et ce, depuis longtemps (notamment pour les armées après l’arrêt du service militaire obligatoire), et de nombreuses initiatives foisonnent dans le domaine à des niveaux très différents. Ainsi, afin de trouver de nouveaux insights, fallait-il réduire la tranche d’âge de la cible ? Ou s’attacher uniquement à un périmètre précis du sujet à étudier ? De plus, même si le travail de ces deux mois pourraient apporter des éléments probablement intéressants, seraient-ils actionnables pour la suite du travail ?
Après une recherche documentaire sur le sujet de l’orientation professionnelle, et des moyens de recrutements ou contacts déployés au sein du ministère des armées et des armées auprès de la cible, il s’est avéré que le sujet était était peu documenté en interne.
La méthodologie choisie a été de mener une douzaine d’entretiens de 45 minutes avec des personnes représentatives de la cible. Un des objectifs de la recherche utilisateur serait ainsi de mieux faire connaître le public visé et d’en dégager des profils d’utilisateurs et de comportements/habitudes associés (sous forme de personas). Tout cela assorti de recommandations/conseils sur lesquels il serait possible de s’appuyer pour de futures solutions. Mais, a priori, pas de solution concrète serait dégagée et pourrait être mise en œuvre à la suite de ces deux mois.
Au-delà de la frustration que peut apporter ce type de résultats, on peut tout de même trouver des bénéfices à ce « défrichage » de deux mois.
La nature même de la recherche utilisateur, c’est-à-dire le fait d’aller interroger le public ciblé, a permis à l’intrapreneure de s’extraire des préoccupations liées à son projet. L’exercice a permis de revenir un peu en arrière et de retrouver l’intérêt de bien prendre en compte les besoins des futurs utilisateurs. Cette démarche devrait permettre à l’intrapreneure de réaliser le changement de point de vue nécessaire pour penser son projet selon celui de sa cible.
De plus, l’apport d’une vision transversale des besoins d’un public donné, sans les coutures liées à l’organisation de l’administration se révèle assez rare. Ce travail agrège ainsi des informations sur la cible à adresser sans se cantonner au seul périmètre du projet de l’intrapreneure. Avoir un document rassemblant une vision complète des caractéristiques d’un public associées à ses habitudes/comportements dans un certain contexte, offre alors un angle de travail nouveau de celui exprimé dans les différents services traitant de ce sujet.
Et enfin, cette accumulation d’infos sur un sujet permet également au sein de la Fabrique numérique de mutualiser les connaissances sur certains sujets, ce qui sera sûrement utile pour de futurs projets.