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3 conditions pour lancer une startup d'État au ministère des Armées

Après bientôt deux ans à lancer de nouveaux services numériques au ministère des Armées, nous avons beaucoup appris. À force de voir les mêmes problèmes surgir, nous imposons par exemple désormais trois conditions à chaque nouvelle startup d’État que nous incubons.

Leçons apprises

Respecter ces conditions ne garantit pas le succès, mais passer outre entraîne souvent un échec. Voici ces trois conditions :

1/ Il faut un intrapreneur qui consacre au moins 20 % de son temps à la startup d’État.

Cela peut paraître étonnant, mais c’est souvent le point le plus bloquant. Il est en effet facile d’avoir une bonne idée, mais la concrétiser est un travail difficile. Dans les startups d’État, il faut trouver ses premiers utilisateurs en moins de six mois. Il faut donc un intrapreneur disponible, impliqué, qui connaisse son métier et qui veuille vraiment résoudre un irritant. Les projets où il n’y a pas de porteur clairement identifié, ou bien un porteur « désigné volontaire » ont tendance à patauger et à nous épuiser.

(NB : l’incubateur de la DINUM recommande que les agents soient à 100 % mais c’est impossible chez nous).

2/ Il faut un problème identifié plutôt qu’un cahier des charges.

La méthode que nous appliquons excelle dans l’incertitude. Cette méthode se base sur des cycles itératifs courts de construction/mesure/apprentissage. L’incertitude, c’est quand il existe un problème qu’on ne sait pas exactement comment résoudre, même si l’on a quelques intuitions sur le sujet. Les incubateurs de services numériques ne sont donc pas le bon endroit pour les projets arrivant avec un cahier des charges bien défini. Pour ces derniers, les entreprises titulaires de marchés publics sont heureusement prêtes à délester l’administration de quelques millions d’euros.

3/ Il faut un sponsor de haut niveau qui accorde de l’autonomie à l’équipe.

Si chaque décision doit être validée par un comité de pilotage, il est impossible de sortir un produit en moins de six mois. Une startup d’État doit être autonome. Autonome ne signifie pas que personne ne rend compte. Cela veut seulement dire que l’équipe a une mission claire sur laquelle elle est jugée, mais qu’elle a le droit de prendre seule des décisions lui permettant d’atteindre ses objectifs. Il faut donc une personne suffisamment haut placée dans l’administration pour accorder sa confiance à l’équipe et la protéger des lourdeurs bureaucratiques.

Amélioration continue

Ces trois conditions ont le mérite d’être simples et faciles à vérifier. Il en existe sûrement beaucoup d’autres que nous n’avons pas identifiées ou qui s’applique à d’autres contextes. Grâce à elles, nous avons lancé plusieurs services numériques avec succès. Mais rien n’est jamais parfait et voici quelques-uns des aspects que nous pourrions améliorer :

1/ Il faudrait mieux récompenser les intrapreneurs.

La seule récompense offerte à nos intrapreneurs, c’est la fierté d’avoir développer un nouveau produit ayant un impact. Pourtant, ils prennent des risques. Ils sont responsables de leur produit. Ils mettent leur peau en jeu. Leur récompense devrait être proportionnelle à leur prise de risque. Pourquoi ne pas créer par exemple une prime liée à l’objectif de la startup d’État ? Avec le risque d’attirer des intrapreneurs pour de mauvaises raisons…

2/ Il faudrait préincuber tous les produits.

Lancer une startup d’État est un engagement important : six mois et 200 000 €. Pour limiter les risques, nous expérimentons un programme de préincubation. Durant deux mois, nous nous assurons qu’il existe bien un problème identifié et que ce problème peut être résolu par un produit numérique. Cette « période d’essai » permet également de nous assurer que l’intrapreneur est investi, sans engager trop de dépenses. Avec le risque de ralentir le développement des produits…

3/ Il faudrait formaliser l’autonomie des équipes.

Même si nous privilégions la collaboration à la négociation contractuelle, certaines modalités de fonctionnement des startups d’État mériteraient d’être plus cadrées. C’est d’autant plus important que l’incubateur grandit rapidement. L’autonomie des équipes est un de ces aspects cruciaux. En effet, lorsque les startups d’État prennent de l’ampleur, de plus en plus d’acteurs s’y intéressent et veulent s’impliquer dans la prise de décision. Quand cela arrive, il devient plus difficile de rester à l’écoute des utilisateurs et de faire du vrai design. Un papier officialisant l’autonomie de l’équipe pourrait aider. Avec le risque qu’un papier ait peu de poids face aux rapports hiérarchiques…

Valorisation des intrapreneurs, préincubation des startups d’État et formalisation de l’autonomie des équipes : voilà de quoi nous occuper pour les mois à venir ! Et vous, quelles sont vos conditions pour lancer un nouveau service numérique ? Et comment comptez-vous l’améliorer ? Parlons-en sur Twitter : @betagouv (la communauté) ou @seiteta (l’auteur de cet article) !


La majorité du contenu de cet article est issue de ces deux articles.

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